dimanche 19 novembre 2017

Sur les traces du singe asthmatique


Mon séjour à Quetzaltanengo sera bref, la ville ayant moins de charmes à offrir que ma précédente destination, San Cristobal de las Casas. Dés le lendemain, je prends la route vers le lac Atitlan, un magnifique oasis de quiétude caché au cœur de l'altiplano. On plonge dans ce cratère marin par des routes sinueuses qui mènent à une flopée de petits villages flanquées sur ses rives. Je séjournerai à Panajachel, le plus grand d'entre eux. On peut passer d'un village à l'autre dans de charmantes petites embarcations à moteur. La traversée est agréable à fleur d'eau en observant les impressionnants volcans surplomber le lac. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de m’aventurer dans l’ascension de l'un d'entre eux. San Pedro est sûrement le village le plus réputé. Au détour de petites rues pavées et escarpées, en se faufilant entre les touc-toucs et les marchands ambulants, on découvre de jolis patios offrant de sympathiques havres de paix derrières des palissades de bambous à l'ombre des bananiers. La vie semble couler paisiblement. On sent un petit côté hippie se dégager de l'ensemble. Le village voisin, San Juan, est moins touristique mais me donne l'occasion de mieux comprendre la vie locale. Les habitants ont eu la riche idée de s'organiser en coopératives : textile, café, cacao, miel, herbes médicinales... C'est très «marketé » : on est démarché par les touc-toucs qui sillonnent les rues, chaque coopérative propose une démonstration de son activité et des tâches effectuées puis on est gentiment guidé vers la boutique. La mécanique est bien huilé. Les villageois ont un vrai plaisir à expliquer leur travail et répondre à mes questions. Je dégusterais du cacao artisanal autour d'un café 100% local (mon premier depuis que j'ai quitté la France). Bananes, avocats, oranges, noix de coco viennent s'ajouter au coton, café et cacao. Les richesses agricoles ne manquent pas, et cette brillante organisation collective ajoute une valeur touristique à leur travail. Ce dont ils sont, à juste titre, très fier.
 











Au Guatemala, les distances sont relativement courtes mais l'état des routes rend les déplacements interminables. Chaque kilomètre déroulé sur le bitume guatémaltèque est l'occasion de s'enfoncer toujours un peu plus vers une autre réalité, un autre quotidien. Chaque village offre de nouvelles tranches de vie. Chaque virage est un pas de plus vers le dépaysement. Le trajet entre Panajachel et Lanquin en est la parfaite illustration, prés d'une douzaine d'heures à valdinguer à l'arrière d'un minibus et à s’immerger dans le quotidien guatémaltèque. La nuit vient de tomber quand nous quittons l'asphalte abîmée pour nous engouffrer sur un chemin de terre pierreux. On croise des vélos sans lumières mais aussi un surprenant sapin lumineux qui prépare un noël sans neige. On manque d'écraser des chiens hagards éblouis par les phares tandis que dans l'habitacle les téléphones portables se sont transformés en lucioles. On glisse sur cette interminable route cahoteuse jusqu'à Lanquin. Un trajet supplémentaire à l'arrière d'un pick up plus tard et me voilà à mon hôtel. Ou plus exactement à ma cahute en bois posée au bord d'une rivière perdue au milieu de la jungle. Une odeur de paradis. Bien mérité.



Le lendemain, direction Semuc Champey, encore une dizaine de bornes à partir de Lanquin sur un chemin boueux et vallonné. Trois quart d'heure accroché à l'arrière d'un pick up à profiter de la jungle guatémaltèque. Secoué et bien réveillé, je me libère du véhicule, paré à profiter de cette magnifique journée. En matinée, baignade dans des bassins d'eau de montagnes qui se remplissent en cascade (le tout posé au dessus d'une rivière souterraine). Encore une superbe architecture ciselée par la nature. L’après-midi un peu de spéléo avec une excursion dans une grotte. On remonte une rivière souterraine à la seule lueur d'une bougie. Activité très fun que de nager sous une ribambelles de stalactites qu'on devine dans la pénombre. Pour clôturer tout ça, un peu de tubing sur la rivière : on pose son fessier dans une grosse bouée et on se laisse emporter par le courant. J'étais en train de me dire que ce serait l'occasion parfaite pour profiter d'une bière que des adolescents ont lu dans mes pensées et se sont jetés à l'eau armés de mini glacières. Une rapide négociation plus tard, me voilà une canette à la main. A la tombée de la nuit, chemin inverse avec mes compagnons du jour. Debout à l'arrière du pick up on improvise un sound system avec un portable et une mini-enceinte. Nous voilà partis pour refaire le monde grisés par le vent qui nous balaie le visage. Décidément l'ordinaire n'est plus mon quotidien.




Depuis que j'ai quitté les États-Unis, je me suis rabattu sur des sentiers plus taillés sac à dos et j'ai ainsi croisé beaucoup d'autres belles histoires. Le temps d'un trajet, d'une excursion ou d'une discussion dans une auberge, on fait de belles rencontres. Parler rugby avec une sud-africaine, discuter travail et choix de vie avec un français expatrié depuis dix ans, recroiser deux surfers à San Pedro alors qu'on s'était quitté à Quetzaltanengo, parler voyage (en se vouvoyant) avec des retraités manceaux (et leur faire la traduction des commentaires anglais)... Bref pour une heure ou plus, bienvenu dans la grande communauté des voyageurs.

Je quitte Lanquin et l'altiplano pour redescendre dans les basses-terres et me rapprocher de la perle du pays, Tikal. Encore une longue journée de transport dans un shuttle de touristes. Nous arrivons à Flores, et alors que mes compagnons de voyages se dirigent vers leurs hôtels, je dois encore me rendre (sur de bons conseils) à El Remate à trente bornes de là. Je me dirige vers la gare routière. Problème, on est dimanche, le dernier bus est parti depuis une bonne heure. Alors que la nuit enveloppe la ville, je me mets en quête d'un colectivo et trouve finalement ce que je cherche. Après avoir payer à mon avis trois fois le prix je m'installe dans le minibus bondé et suis déposé à El Remate trente minutes plus tard. Encore un bon kilomètre de marche et j'arrive à la posada del cerro qui fera office d'hôtel et de centre de convalescence. En effet, après une nuit compliquée, c'est vidé, fiévreux et affaibli que je renonce à mon excursion du jour vers Tikal. Je passerai une bonne partie de la journée alité. Heureusement je suis tombé au bon endroit pour être malade. Le personnel est impeccable, chaleureux et aimable. Le cadre est aussi magnifique. On est au bord du lac de Peten, en plein biotope. C'est très relaxant cette proximité avec cette nature tropicale. Sur la terrasse, à l'abri d'une palapa, on laisse le regard se perdre dans le lac tout en écoutant les bruits émis par la faune de la forêt, le tout bercé par les gouttes fines des averses éparses qui s'abattent sur le feuillage dru. Le cri des singes hurleurs est assez déroutant de prime abord (ça ressemble plus à une crise d'asthme qu'à une affirmation virile). Je tente une excursion dans cette végétation luxuriante voisine. Bien accueilli par les moustiques et sous une humidité impressionnante, je me mets en quête de ces singes asthmatiques que je trouverais finalement perchés dans les cimes. Au détour d'une clairière je tombe sur un cimetière. Assez déconcertant de découvrir cet ensemble de tombes colorées en pleine jungle. De retour à l'hôtel je suis accueilli par un coatis, une sorte de raton laveur mixé avec un renard et un koala. L’écureuil local en sortes. Ce repos forcé sera l'occasion d'appréhender le quotidien de ce hameau hôtelier posé sur la route de Tikal. On fait sa lessive dans le lac et on y pêche, on se rend d'un point à l'autre en moto, on s'affaire à l'ombre des cahutes en bois, les canards, poulets et cochons pataugent le long du chemin gorgé d'eau, le tout dans une lenteur qui s'accorde à la chaleur humide qui plombe chaque geste.


 

Finalement, le troisième jour, je me lancerais dans l’expédition de Tikal, le plus emblématique site pré-colombien d’Amérique centrale. Je partagerai la journée avec un couple de trentenaires grenoblois rencontrés dans le van nous conduisant à l'entrée du monument. Durant leur mois au Guatemala ils ont tenté quelques destinations hors pistes et me confirment le côté un peu tendu de la campagne guatémaltèque (population armée pour se protéger des bandes...). Nous sommes présents dés 6h du matin pour l'ouverture. Le site est immense et noyé dans une végétation qui a repris ses droits au cœur de ces pierres abandonnées. La visite se fait en présence de la faune locale : singes, fourmis rouges, oiseaux colorés, coatis, papillons, araignées et de redoutables escadrons de moustiques. Le singe asthmatique nous fera part de son cri si spécifique mais ne daignera pas se montrer. Je retrouve toutes les spécificités des sites mayas : acropole, pyramide-temple, bas relief, stèles, jeu de balle... mais la jungle environnante et la mousse qui revêt les pierres donnent un cachet fabuleux. Il y a encore un travail conséquent pour « restaurer » complètement le site. Au sommet du temple 4, le plus haut du site, on survole littéralement la canopée. Si à Uxmal j'avais évoqué le terme de mer végétale, ici on a basculé dans un océan de verdure. Au bas mot, sur un horizon de vingt bornes rien ne se détache de cette végétation, hormis les deux majestueux temples de la place centrale qui émergent péniblement au dessus du feuillage. Ce sera notre dernière partie de la visite et le clou du spectacle. Le temple du jaguar et le temple des masques se font face autour de la grande place du site et sont accompagnés d’impressionnantes ruines d'acropoles de part et d'autre. Je passerais la soirée à la terrasse de la guest house de mes compagnons français du jour à parler voyage. Ma dernière soirée guatémaltèque. Place au retour vers le Mexique. Mais d'abord petite halte au Belize.










Depuis El Remate, la frontière est à une heure et demi de route. Une fois franchie, on change d'univers. Si j'avais trouvé des similitudes entre le Mexique et le Guatemala, au Belize c'est une autre ambiance. Le pays a une histoire assez à part en Amérique Centrale, il est tourné vers les Caraïbes. L'anglais est la langue officielle, on retrouve une importante population noire (les garifunas). Au fil des kilomètres, le relief s'aplanit et la végétation s'estompe. Il ne reste plus que les cocotiers, de l'herbe, de jolies maisons colorées délavées par le soleil et des églises anglicanes. Le bus nous largue sur le port de Belize City. La ville n'ayant aucun charme, voire craint un peu, j'embarque immédiatement sur un water taxi avec une cinquantaine d'autres passagers et me dirige vers Caye Caulker, une minuscule île à trois quarts d'heure de là. On vient essentiellement pour ses spots de plongées, moi j'ai choisi le lieu pour le farniente. J'avais prévu initialement trois petits jours mais mon arrêt forcé sur les bords du lac Peten a réduit mon escale bélizienne à une journée et demi. L'île se résume à un tout petit village qui s'étire sur trois longues rues de sable. Ici pas de voitures, on se déplace à pieds, en vélo ou en golfette. La devise de l'île c'est go slow. Et effectivement je n'ai pas trouvé grand monde en état d'excitation. On s'adapte rapidement au cadre ambiant. Au bout du village, au nord, sur le plus grand « espace de sable » (difficile d’appeler ça une plage), on sirote la bière nationale, des cocktails ou des jus de fruits, à l'ombre des cocotiers, en écoutant le reggae que propose le DJ. Une ambiance colonie de vacances qu'on retrouve également le soir dans les bars et les restaurants (où l'on peut déguster à moindre frais le homard local). Le lendemain je me dirige de l'autre côté, au sud, dans la partie non touristique, histoire de se bouger un peu. Je tombe nez à nez avec une parade costumée des écoliers du village. Tout le monde avance en rang d'oignons derrière une sono très musique locale.












Il est déjà temps de quitter cette enclave des Caraïbes et de repasser la frontière mexicaine. Ce que je ferais à Chetumal par voie maritime. Deux tampons, un reniflage de sac et 40€ plus tard (20€ de frais de sortie du Belize et 20€ de frais d'entrée au Mexique) je regagne la gare routière en quête d'un bus pour Tulum. Pour une sombre histoire d'oubli de changement d'heure je loupe mon bus comme un bleu. Obligé de prendre le suivant et de passer d'un bus économique à un bus première classe. Je passe donc d'un bus standard à un bus avec de superbes fauteuils, une climatisation qui vous transforme en glaçon et Spiderman en version espagnole (el hombre araňa). Tulum me permet un dernier aperçu de ruines mayas. Après les mayas à la jungle à Tikal, voici les mayas à la plage. A Tulum, les ruines bordent en effet la mer des Caraïbes et son sable blanc. Le site est plus confidentiel mais reste habité. Je retrouve les coatis, les iguanes et même un serpent. Je passerais ma dernière nuit mexicaine à Playa de Carmen à une heure de l’aéroport de Cancun. Histoire de profiter une dernière fois de la plage et de m'autoriser une petite baignade. Playa de Carmen est très voire carrément trop touristique. La ferveur de Cancun a débordé jusqu'ici. Moi qui pensais trouver une ambiance plus cosy je suis déçu. L'endroit me fait penser aux villes espagnoles de Lloret ou Benidorm, le guacamole et les cocotiers en plus. Ainsi s'achève ma boucle de trois semaines sur les traces des mayas. Il est l'heure de changer d'hémisphère et de rejoindre le Paraguay.







3 commentaires:

  1. Ça fait du bien te lire, c'est cool.
    Enjoy !
    Did

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  2. Merci Lionel pour le "couple de trentenaires grenoblois", ça me fait une dizaine de gagnée. Quel plaisir de te lire, de lire les lignes de ce que l'on a vécu au Guatemala, avec ou sans toi. Quel beau vouyage, quel beau pays. Nous sommes rentrés il y à une semaine, sous 40cm de neige et par -10°. Je continuerai à rêver en regardant ton blog, bises take care! Céline (et Yohan)

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